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Liberté d'expression à géométrie variable

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Liberté d'expression à géométrie variable Empty Liberté d'expression à géométrie variable

Message  DOUBLEM Ven 28 Mar - 16:36

Ci-dessous une chronique parue dans la Marseillaise à propos de la liberté d'expression en France :


Chronique de Roland Pfefferkorn
La Marseillaise, jeudi 27 mars 2008

Deux poids, deux mesures


Un sous-préfet a été limogé pour avoir publié mi-mars sur un site internet, Oumma.com, une tribune intitulée « Quand le lobby pro-israélien se déchaîne contre l’ONU ». Bruno Guigue répondait à une autre tribune publiée peu de temps auparavant par Le Monde dans laquelle ses auteurs s’en prenaient au Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU.
La tribune de Bruno Guigue a été considérée par sa hiérarchie comme « violemment anti-israélienne ». Cependant si le propos peut être qualifié de « violent », ce n’est en aucun cas au sens d’un appel à la violence physique contre des personnes, mais au sens d’une critique virulente, ciblant des actes objectivement odieux (bombardements, torture). Par ailleurs si le propos est effectivement « anti-israélien », ce n’est pas le peuple israélien dans sa globalité qui est visé, mais un État et la politique qu’il mène.
Qu’on en juge. Les phrases reprises en boucle qu’on lui reproche sont celles-ci : « À propos de terrorisme, l’Etat d’Israël, qui plus est, peut se targuer d’un palmarès hors compétition (…) Ses admirateurs occidentaux doivent certainement s’extasier sur les prouesses d’une armée capable de tuer aussi aisément des enfants avec des missiles. Ils doivent aussi se confondre d’admiration devant les geôles israéliennes, où grâce à la loi religieuse, on s’interrompt de torturer durant le shabbat. »
La sanction qui vise le sous-préfet de Saintes vise une expression politique légitime, que la Constitution est censée protéger. Les libertés individuelles sont gravement mises en cause.
Cette sanction prend tout son relief quand on la rapporte aux déclarations publiques « anti-palestiniennes » du député UMP Claude Goasguen, faites le 11 mars 2008 : « Comment vous dire la honte qui nous parcourt quelquefois, lorsque nous savons qu’à Sdérot, où j’étais la semaine dernière, on subit, quotidiennement, les agressions d’un peuple sauvage, de terroristes épouvantables ! »
Contrairement aux propos « anti-israéliens » de Bruno Guigue, cette diatribe « anti-palestinienne » ne vise pas seulement un ou plusieurs actes précis, mais, au-delà, tout un ensemble de personnes qui ne sont pas partie prenante de ces actes. Elle stigmatise tout un peuple, le peuple palestinien, qui plus est, qualifié de « sauvage ».
Là où le propos « anti-israélien » de Bruno Guigue relève du droit à la critique d’un État et d’une politique, le propos « anti-palestinien » de Goasguen relève de la provocation à la haine raciale, passible de poursuites devant les tribunaux.
Sans doute Bruno Guigue était, en tant que haut fonctionnaire, tenu au devoir de réserve, auquel Claude Goasguen ne saurait être tenu puisqu’il est un homme politique.
Mais d’une part il faudrait vérifier si, par le passé, on a déjà été aussi regardant quant aux « manquements au devoir de réserve » de la part de sous-préfets, et le cas échéant, si les autres sous-préfets fautifs ont été sanctionnés aussi durement.
D’autre part Bruno Guigue ne s’est à aucun moment prononcé en qualité de sous-préfet, il a pris position en tant que citoyen sur une question de politique étrangère, et ce d’autant plus que c’est un intellectuel spécialiste de la question évoquée, auteur de plusieurs ouvrages et de nombreux articles sur le sujet.
Il a manifestement été sanctionné et limogé par la Ministre de l’Intérieur, sans autre forme de procès, sur pression de groupes défendant les intérêts d’un Etat étranger.
Claude Goasguen, député UMP, chargé de conférences à HEC et avocat à la Cour d’appel de Paris, a tenu des propos racistes. Deux semaines après les faits, aucun scandale, aucune sanction : ni à l’Assemblée nationale, ni à HEC, ni à la Cour d’Appel de Paris, ni dans la « grande presse ». Même les partis de gauche n’ont pas jugé utile de porter l’affaire sur la place publique. Pas même un communiqué des associations antiracistes : ni SOS Racisme, ni la LICRA, ni le MRAP n’ont protesté.

DOUBLEM

Messages : 7
Date d'inscription : 14/03/2008

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Liberté d'expression à géométrie variable Empty un article d'Esther Benbassa (Historienne, dir. d'études à l'EPHE…)

Message  JPR Sam 29 Mar - 0:54

Voici la conclusion de cet article :
Esther Benbassa a écrit:
Quel devoir de réserve?

On évoque, pour B. Guigue, le devoir de réserve qui s’imposerait aux fonctionnaires. Observons d’abord qu’il s’est exprimé dans la tribune d’Oumma.com en tant que simple citoyen et non comme sous-préfet. L’article 10.1 de la CEDH stipule en outre que "toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir d’ingérences d’autorités publiques et sans considération de frontières". Certes, la liberté d’expression n’est pas sans limites et elle peut-être soumise à des "formalités, conditions, restrictions ou sanctions". Selon le paragraphe 2 de l’article 10 de la CEDH, "l’ingérence doit être prévue par la loi; elle doit être dirigée vers un ou des buts légitimes (la sécurité nationale, l’intégrité territoriale ou la sûreté publique, la défense de l’ordre et la prévention du crime, la protection de la santé ou de la morale, la protection de la réputation ou des droits d’autrui)". En critiquant Israël, M. Guigue n’entrait nullement dans ce cas de figure. Il convient également d’ajouter que la Cour européenne des droits de l’Homme a affirmé explicitement que la liberté d’expression s’appliquait aussi aux fonctionnaires et ceci dans une décision datant de septembre 1995.

Toutefois, "la liberté d’expression des fonctionnaires peut être limitée au nom de l’obligation de réserve qui varie en fonction de critères divers, tels que la place du fonctionnaire dans la hiérarchie, les circonstances dans lesquelles il s’est exprimé, les modalités et les formes de son expression". Ainsi, "le respect de cette obligation (…) est apprécié cas par cas par l’autorité publique compétente…" Qui nous dit que demain la même obligation ne s’appliquera pas aussi à l’intellectuel(le) fonctionnaire dont le devoir est d’exercer son esprit critique, indissociable de sa fonction?

Un pays où l’on ne peut pas s’exprimer est un pays voué à l’obscurantisme. Sauvons ce qui peut encore l’être. Et ceci pour éviter le pire. Ce limogeage est une tache sur la liberté dans le pays même des droits de l’homme et de la femme et le signe de la faiblesse d’une République sous influence.

JPR

Messages : 1
Date d'inscription : 29/03/2008

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